Trouble du spectre de l’autisme
Vous vous retrouvez maintenant au beau milieu d’une classe, entouré d’élèves du même âge que votre enfant. Ceux-ci ne semblent pas remarquer votre différence d’âge, y compris l’enseignante qui n’en fait aucun cas. Celle-ci est plus jeune que vous, ça vous fait étrange…
Au tableau, l’enseignante inscrit des accords de conjugaison. Vous devez les retranscrire dans votre cahier en y ajoutant la finale. Comme vous n’avez jamais eu de réelles difficultés en français, l’exercice se passe plutôt bien. Seule chose étrange, l’énorme sphère métallique qui prend place au cœur de la classe. Celle-ci semble beaucoup trop encombrante et lourde pour être arrivée là par hasard, peut-être servira-t-elle un peu plus tard?
Lorsque vous relevez la tête, vous constatez que la sphère s’est rapprochée de vous. Surpris, vous l’examinez comme il faut. C’est alors que vous entendez le cliquetis des pièces métalliques se disloquant. La sphère s’ouvre pour révéler les membres d’une créature fragile vivant à l’intérieur. La créature déploie son unique œil pour vous inspecter à son tour : un rayon de lumière verte vous balaie de la tête aux pieds, tel un scan, vous aveuglant du même coup. Après vous avoir observé comme il faut, le monstre fragile retourne son attention vers le tableau. Le faisceau lumineux de son œil illumine un point précis des accords verbaux. En fait, après un moment, vous ne parvenez plus à voir ce que la créature illumine :Vous ne voyez qu’une infime partie du tableau en ultra haute définition. Vous voyez parfaitement la texture du trait de craie. Vous percevez les mini-failles de la peinture du mur de la classe et les motifs du tailleur de l’enseignante vous apparaissent avec une précision à couper le souffle…. Ils semblent danser les uns avec les autres! Que dire des sons qui vous entourent… Les noix que mange votre votre voisin qui craquent brusquement sous ses molaires droites… Il ne devrait pourtant pas manger durant les cours, c’est interdit… Cela vous irrite au plus haut point. Que dire des rires timides des élèves d’en arrière qui perturbent tout autant votre concentration. Que se passe-t-il? La créature oriente rapidement son scan sur votre uniforme… L’étiquette de votre col vous irrite, la dureté du tissu de votre pantalon vous donne des frissons et vous sentez alors à la puissance 10, l’horrible petite couture de votre bas, qui agace votre gros orteil. Pourtant ce matin, rien de tout cela ne vous avait interpellé au moment où vous vous êtes habillé…
Dans tout ce charabia qui semble mélanger vos sens, il vous est de plus en plus difficile, voire impossible d’avoir une vue d’ensemble de ce qui se passe en classe, de suivre l’exercice et d’écrire les réponses dans votre cahier. Toutes ces tâches représentent un défi beaucoup trop exigeant.
L’enseignante se rend compte de votre désarroi et s’informe de votre situation. Attirer l’attention est bien la dernière chose que vous souhaitez; le tout est déjà assez compliqué comme ça. Vous tentez d’établir un contact visuel avec elle, mais ne réussissez qu’à voir un de ses yeux à la fois! Et si regarder sa bouche vous permettait enfin de mieux comprendre? Sur un ton agacé, vous marmonnez que tout va bien en espérant qu’elle vous laisse continuer l’exercice en paix pour autant qu’il soit concevable de le faire dans de telles conditions.
Votre professeure n’aime pas se faire « ignorer » ainsi. Sa colère vous emporte et vous vous mettez à vous débattre en criant et en tappant vigoureusement votre tête… Elle vous regarde consterné tout comme les élèves autour de vous qui semblent même appeurés par votre comportement désorganisé. Vous ne comprenez pas ce que vous avez fait de mal. Vous souhaitez tout simplement qu’on vous laisse tranquille… Immédiatement, la créature se referme dans sa coquille… et vous aussi. Vous savez qu’il sera très difficile de vous en faire sortir…
En savoir
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Le terme « autisme » signifie « solitude » ou « vivre dans son monde ». Le trouble du spectre de l’autisme (TSA) (anciennement TED pour : trouble envahissant du développement) est un trouble du développement neurologique caractérisé par des déficits persistants de la communication et des interactions sociales, observés dans des contextes variés. L’enfant autiste présente des difficultés au niveau de la réciprocité sociale et émotionnelle, une communication non verbale absente ou limitée, une difficulté à établir et maintenir des relations sociales de même qu’à s’impliquer dans des jeux imaginatifs et de groupe. Il se caractérise également au niveau des comportements, par des conduites stéréotypées, une certaine inflexibilité ou rigidité ainsi que des intérêts restreints et répétitifs.
La notion de spectre réfère aux différents niveaux de sévérité et d’intensité de l’atteinte et des symptômes. Ce terme évoque également la variation dans la nature et la quantité de soutien requis par l’individu dans son fonctionnement quotidien. En effet, le tableau clinique des TSA peut grandement varier selon le niveau de langage, l’âge, les capacités cognitives et la présence de conditions associées puisque chacun présente un agencement unique de signes et symptômes caractéristiques, avec des degrés de sévérité variables pour chacun d’eux. Chaque enfant autiste est donc unique. Cependant, les difficultés rencontrées devront obligatoirement toucher la triade symptomatologique (communication, interactions sociales et conduites stéréotypées/ intérêts restreints). Le diagnostic n’informe donc que très peu par rapport à l’unicité et l’étendue du trouble et de ses manifestations.
Bien que leurs impacts au quotidien puissent se manifester plus tardivement, les signes et particularités qui sont rattachés à cette condition sont généralement présents dès le plus jeune âge, puisque le TSA est un trouble neurodéveloppemental. Cependant, les enfants dont les déficits sont moins sévères peuvent commencer à éprouver des difficultés plus importantes lorsque les demandes de leur environnement commencent à dépasser leurs capacités, n’arrivant plus à camoufler leurs difficultés. Ainsi, lorsque les relations sociales se complexifient comme à l’adolescence, les difficultés sur se plan peuvent devenir plus apparentes. Certains autres auront un développement normal les premiers mois ou les premières années de leur enfance pour ensuite se replier sur eux-mêmes et perdre certains de leur acquis.
L’autisme semble toucher plus les individus masculins que féminins, comme le rapporte la littérature scientifique avec un ratio d’environ quatre hommes pour une femme. L’une des hypothèses de cette inégalité entre les sexes est que les tests visant à dépister l’autisme étaient autrefois uniquement pensés en fonction des hommes et de leurs intérêts. De plus, les critères diagnostiques semblent correspondre à ce qui est vécu par les hommes autistes, mais les symptômes des femmes sont souvent plus subtils et difficiles à déceler. Par exemple, dans notre société, alors que les garçons sont souvent poussés à jouer avec des objets comme des camions, on tend encore à encourager les filles à jouer aux poupées. Comme les jeunes filles sont donc poussées un peu plus sur le plan social, les difficultés relationnelles liées à l’autisme sont mieux camouflées que chez les garçons. De plus, les intérêts restreints des jeunes filles autistes sont souvent plus « acceptés » et considérés comme « normaux », ou du moins moins atypiques et particuliers : passion pour les chevaux, aimer collecter des vernis à ongles et les classer, etc.
Pour qu’un diagnostic soit posé, l’impact au quotidien doit être significatif. Ainsi, il est possible que certains jeunes présentent un profil de comportement s’apparentant à celui d’un TSA, sans toutefois que l’impact fonctionnel soit significatif. Dans une telle situation, on ne pose pas de diagnostic de TSA. L’on veillera plutôt à observer l’évolution et réévaluer les besoins si des difficultés significatives venaient à survenir. En effet, certaines personnes ont un tempérament plus solitaire, présentent des traits caractéristiques de l’autisme, mais parviennent à fonctionner sans aide ou services particuliers, ont une vie sociale qui les satisfait, réussissent sur le plan scolaire et plus tardivement ont un emploi satisfaisant, sont en couple et ont des enfants, malgré les particularités de leur personnalité.
Le trouble du spectre de l’autisme n’est pas une maladie, mais plutôt une condition présente dès la naissance. Ainsi, le cerveau des personnes autistes se développe de manière différente de celui du reste de la population dès un jeune âge, d’où un fonctionnement qui sera différent de la « norme » toute leur vie. C’est une condition possiblement secondaire à un trouble complexe affectant le développement du cerveau, dont l’origine demeure toujours mal comprise. Plusieurs études soulèvent la possibilité d’une composante génétique. Des facteurs environnementaux (comme l’âge avancé des parents, certaines maladies maternelles pendant la grossesse, des infections virales, le stress prénatal extrême et la privation d’oxygène du bébé lors de l’accouchement) pourraient interagir avec de telles prédispositions de l’organisme. Une attention particulière est de plus en plus portée vers le rôle du système immunitaire, impliquant certaines altérations du microbiote intestinal dans le développement du TSA. En revanche, il existe désormais un consensus scientifique clair et sans équivoque autour du fait que les vaccins ne causent en aucun cas l’autisme. L’augmentation significative de la prévalence serait plutôt due à plusieurs facteurs incluant la redéfinition des critères diagnostiques qui permettent une meilleure identification, l’augmentation de la disponibilité des services, la détection plus précoce ainsi que la plus grande connaissance de ces troubles par les professionnels de la santé.
Bien qu’il n’y ait à l’heure actuelle aucune guérison possible de l’autisme ni un seul traitement efficace pour les TSA, une variété de thérapies et d’interventions permettent d’en atténuer les manifestations et d’améliorer les apprentissages. Les recherches démontrent qu’un diagnostic précoce et des interventions avant l’âge scolaire donnent les meilleurs résultats en raison des plus grandes capacités adaptatives du cerveau à ce moment de l’évolution. Bien qu’une prise en charge effectuée tôt soit préconisée, il n’est jamais trop tard pour intervenir et les traitements seront bénéfiques, peu importe l’âge des personnes diagnostiquées.
En raison du continuum de l’autisme, une vaste gamme de mesures de soutien peut s’avérer nécessaire. Le plan de traitement idéal est donc une combinaison de thérapies et d’interventions qui s’adapteront à chaque enfant. Parmi celles-ci, notons, au Québec, l’approche cognitivo-comportementale du langage conceptuel, développée par Brigitte Harrisson, elle-même autiste, et Lyse St-Charles. Ce modèle d’intervention permettrait aux personnes autistes de mieux saisir les notions abstraites que leur cerveau a du mal à intégrer par le biais d’un code écrit spécifique, répondant du coup aux particularités neurocognitives de cette population pour qui la modalité visuelle est très clairement privilégiée pour traiter les informations.
Au point de vue des interactions sociales, l’enfant :
- Socialise peu avec les pairs et ses relations sont principalement orientées vers ses intérêts; peut rechercher la socialisation, mais demeure maladroit dans ses interactions
- Évite généralement les activités en groupe
- Parle de façon incessante sur un sujet particulier
- A un contact visuel bref et peu orienté vers l’interlocuteur
- Présente un inconfort lors des contacts physiques
Au niveau de la communication, l’enfant :
- A un langage limité ou, à l’inverse, un langage très développé, un vocabulaire riche qui semble surdéveloppé pour son âge
- S’exprime peu de façon non verbale (gestes, expressions faciales)
- Présente de l’écholalie (répète régulièrement les propos de l’autre)
- N’attire pas l’attention de l’interlocuteur, s’adresse à lui sans diriger son regard
- S’exprime avec un ton de voix qui semble étrange, « mécanique »
- Présente peu de jeu imaginaire (jeu de faire semblant)
- A des difficultés d’apprentissage (ex. : inférences, résolution de problèmes, compréhension de lecture, concepts abstraits)
Sur le plan de la conduite, l’enfant :
- Réagit aux changements de routines, aux imprévus
- Présente des rituels
- A des intérêts « envahissants » ou inhabituels pour son âge
- Possède des connaissances encyclopédiques sur ces sujets d’intérêt (ex : dinosaures, voitures, système solaire, etc.)
- Effectue des mouvements particuliers (ex : mouvements répétés des bras ou des mains, balancement du corps, sautillements)
- Est plus sensible que d’autres enfants au plan sensoriel (ex : refuse certains aliments ou vêtements en raison de leur texture, est inconfortable lors de l’hygiène, réagit fortement au bruit ou à la lumière, porte régulièrement des objets à sa bouche).
- Comprend tout au sens littéral et n’aime pas mentir
Comment apprivoiser ce monstre?
Recommandations pour vos interventions quotidiennes
- Planifier les activités et les communiquer à l’enfant pour diminuer l’inquiétude liée aux imprévus et les risques de désorganisation.
- L’usage de pictogrammes peut être bien utile pour les autistes qui ont en général plus de difficultés avec les concepts abstraits et qui se fient beaucoup au visuel. On peut par exemple s’en servir en en alignant quelques-uns pour montrer ce qui va se dérouler en soirée. On peut aussi utiliser le dessin.
- L’utilisation de chronomètres visuels comme le Time timer aide à rendre concrète la durée restante d’une activité.
- Dans la mesure du possible, essayer de contrôler l’environnement de l’enfant pour qu’il soit le moins stimulant possible pour éviter les surcharges sensorielles (tamiser les lumières, favoriser le silence, penser à des vêtements confortables).
- Identifier les émotions qu’il vit et les lui nommer.
- Les enfants avec un TSA ont besoin de leur bulle. Il faut donc penser à leur laisser un espace lorsqu’ils travaillent à quelque chose. De plus, quand ils reviennent de l’école, ils peuvent avoir été surchargés par leur journée et avoir besoin de temps seul avant d’être à nouveau fonctionnels.
- Faire attention à aller près de l’enfant lorsqu’on lui donne une consigne, de manière à ce qu’il entende bien et sache qu’on s’adresse à lui.
- Plutôt que de poser des questions ouvertes à l’enfant, lui proposer deux ou trois choix, comme lui donner le choix entre 2 activités dehors plutôt que de lui demander ce qu’il voudrait faire.
- Lui laisser le temps de penser à une réponse avant de poser plein de questions. L’enfant autiste peut avoir plus de difficulté à traiter l’information, il a donc besoin de ce temps.
- Puisqu’ils sont axés sur le concret et ce qui est visuel, les enfants sur le spectre de l’autisme peuvent tout comprendre au sens littéral. Par exemple, l’enfant pourrait aller voir à la fenêtre après avoir entendu son parent dire qu’il pleut des clous. Il faut donc faire attention à notre formulation lorsque l’on communique avec eux.
- Ne pas forcer l’enfant à regarder dans les yeux. En effet, une caractéristique que l’on retrouve chez certains individus sur le spectre est qu’ils n’aiment pas regarder dans les yeux. Pour ceux chez qui cela est le cas, l’effort demandé à l’enfant pour soutenir le regard risquerait de l’empêcher de comprendre ce qui est dit. Ainsi, lorsque l’on n’est pas certain s’il a compris notre message, il vaut mieux lui demander de nous le répéter que de chercher à ce qu’il nous regarde attentivement.
- L’inciter à penser aux autres qui l’entourent, par exemple en lui demandant de partager
- Partir des forces de l’enfant et de ses intérêts pour l’amener à cheminer et à relever des défis de plus en plus grands.
Quelles sont les forces de ce monstre?
Les enfants sur le spectre de l’autisme sont tous uniques dans leur manière d’aborder le monde qui les entoure. Ils sont très patients et peuvent passer plusieurs heures concentrés sur un sujet qui les passionne. À force de collecter plusieurs connaissances sur ce qui les intéresse, ils deviennent de fins connaisseurs de sujets bien précis. Quand on prend le temps de les écouter, ils nous en apprennent beaucoup! Ce sont des êtres authentiques et directs, qui n’aiment pas les mensonges. De plus, vivant souvent avec des hypersensibilités, ils sont très sensibles aux moindres changements dans leur environnement et passent par le visuel : ce sont donc de bons observateurs.
Forces en mots-clés
- Patient
- Fin connaisseur de sujets bien précis
- Authentique
- Sensible à son environnement
- Observateur