La dyslexie
Vous vous retrouvez maintenant au beau milieu d’une classe, entouré d’élèves du même âge que votre enfant. Ceux-ci ne semblent pas remarquer votre différence d’âge, y compris l’enseignante qui n’en fait aucun cas. Celle-ci est plus jeune que vous, ça vous fait étrange…
L’enseignante annonce que la matinée sera dévouée à évaluer la vitesse de lecture. Tour à tour, elle demandera à différents élèves de lire, à vois haute, un passage du célèbre livre « Agaguk » d’ Yves Thériault. Vous sortez le roman de votre pupitre et l’ouvrez à la page 125 comme vous le demande l’enseignante. Celle-ci propose à Nathalie, une petite élève aux 1000 talents et aux multiples boucles blondes, de commencer l’exercice.
Alors que les lignes de textes défilent avec une fluidité étonnante sous vos yeux, de petits éclats de lumière viennent briser votre concentration. Vous constatez alors que sur votre pupitre se tient une mignonne créature semblable à une souris, à la différence près que son corps est couvert de petits prismes cristallins qui reflètent la lumière ambiante à la manière d’une boule disco multicolore. Sur son front, un gros cristal sur lequel semble gravé des lettres et des symboles. La créature vous apparait un peu nerveuse… d’avoir été ainsi découverte, mais demeure là, à vous fixer, immobile.
L’enseignante vous sort alors de vos pensées et vous demande de reprendre la lecture là où la talenteuse Nathalie l’a laissée. Vous n’y voyez pas d’objection et commencer à déchiffrer le texte, à haute voix, en tentant d’ignorer la présence de la créature lumineuse.
La souris vient à ce moment se percher sur votre épaule, apparemment très intéressée par votre lecture. Il se produit alors un phénomène étrange : le cristal sur sa tête semble projeter de nouvelles lettres dans le texte et en déformer d’autres : les p se retournent pour former des q, les b en d, une partie des « m » est effacée laissant apparaitre des « n »… Malgré tous vos efforts, vos clignements de yeux à répétition, votre index qui tente de maintenir votre localisation dans la page, les lettres continuent à danser et à virevolter. L’animal sur votre épaule bien que gênée de la situation, n’arrive pourtant pas à s’empêcher de projeter de nouvelles lettres sur le papier. Sa nervosité semble amplifier le phénomène. En dépit de votre concentration, vous êtes incapable de garder le rythme : vous trébuchez à répétition, sautez des lignes, omettez les ponctuations, segmentez les mots de manière totalement aléatoire. Vous savez bien que ce que vous lisez n’a aucun sens et qu’une telle prestation est loin de représenter vos réelles capacités! Vous vous reprenez, tant bien que mal, vous bégayez, jusqu’à ce que l’enseignante, clairement agacée, demande à un autre élève de reprendre la lecture. Espérons qu’on ne vous pose pas de questions sur la passage qui vous a été attribué… puisque votre passage furtif mais oh combien intense dans la fiction du Grand Nord semble vous avoir complètement gelé les idées!
En savoir
plusDescription de la dyslexie
La dyslexie est un trouble persistant de l’acquisition et de l’automatisation de la lecture qui affecte la vitesse et la précision du décodage. Elle engendre donc souvent une lecture imprécise qui nuit à la compréhension et qui affecte également la maîtrise de l’orthographe (dysorthographie). Les causes de la dyslexie sont principalement d’origine neurologique (certains mécanismes du cerveau sont atteints) et génétique. Un accompagnement en orthophonie est indiqué pour les enfants présentant la dyslexie et la dysorthographie.
Il existe 3 principaux types de dyslexie : la dyslexie phonologique, la dyslexie lexicale et la dyslexie mixte. Chacune se traduit par des difficultés distinctes et provient de la dysfonction d’une voie d’accès à la lecture. Il existe deux principales voies pour lire : l’une permet l’analyse des nouveaux mots et l’autre permet la lecture « en survol » des mots.
Ainsi, la dyslexie phonologique est due à une atteinte à la voie d’assemblage. Celle-ci est principalement utilisée pour décoder des mots nouveaux en les regardant syllabe par syllabe ou encore pour lire des mots réguliers comme « arbre », « raconter » ou « papa ». C’est la voie que l’on prend par exemple quand on veut lire des noms de rue d’une langue que l’on ne connaît pas ou quand on lit des mots inventés comme « pridisonne » ou « boudrane ». Un enfant qui a des difficultés avec la voie d’assemblage pourrait tenter de deviner des mots en se fiant au contexte plutôt que de les lire syllabe par syllabe. Dans ce cas il pourrait lire rapidement, mais en faisant plusieurs erreurs. Au contraire, un enfant avec ce type de dyslexie pourrait avoir une lecture très lente puisqu’il a de la difficulté à bien analyser les mots qu’il ne connaît pas encore.
La dyslexie lexicale provient quant à elle d’un déficit de la voie d’adressage qui permet de lire rapidement les mots dans leur forme globale. C’est grâce à cette voie que l’on peut lire correctement les mots irréguliers comme « chorale » ou « monsieur » (sans les lire comme « ch » « orale » et « mon » « sieur ». Quand la voie d’adressage est touchée, l’enfant lit difficilement les mots moins fréquents et irréguliers. Il peut aussi arriver que les mots réguliers soient lus lentement comme si c’était la première fois que l’enfant les voyait. Puisqu’il passe beaucoup de temps à décortiquer les syllabes des mots, il perd souvent le sens des phrases et performe moins bien aux compréhensions de texte.
Finalement, la dyslexie mixte consiste en une utilisation défectueuse des deux voies d’accès à la lecture. Dans ce cas, les difficultés liées aux déficits de la voie d’assemblage et de la voie d’adressage se combinent.
Un autre type de dyslexie qui peut être observé, bien qu’elle soit plus rare, est la dyslexie visuoattentionnelle. Elle se traduit par des difficultés à porter attention lors de la lecture, ce qui fait qu’elle devient incompréhensible. L’enfant est distrait par les stimuli de l’environnement et ne peut donc pas se concentrer sur les mots devant ses yeux. De plus, pour lire correctement il doit être capable de porter son attention de manière sélective et successive sur chaque mot, ce que l’enfant avec une dyslexie visuoattentionnelle ne peut pas faire. Il peut donc avoir de grandes difficultés de compréhension dues à un mauvais balayage visuel, à des sauts de mots ou à un retour en arrière dans le texte.
Tous ces types de dyslexie proviennent d’un dysfonctionnement du cerveau qui n’arrive pas à traiter l’information comme il le devrait. Il est donc important de garder en tête que les difficultés de l’enfant dyslexique ne sont pas causées par un manque d’intelligence, de motivation ou d’efforts, mais bien par un problème de certains mécanismes cognitifs.
Attention par contre, à force d’accumuler plusieurs échecs académiques, l’enfant dyslexique peut voir sa motivation et son estime de soi baisser. C’est pourquoi il ne faut pas oublier de féliciter le jeune quand il fait de petits progrès ou dans d’autres domaines comme le sport, les arts, etc. Il est bien aussi de valoriser les bons efforts plutôt qu’uniquement les résultats.
Les enfants avec une dyslexie vont souvent avoir une meilleure compréhension des textes quand quelqu’un leur en fait la lecture. Cette aide leur permet d’utiliser toutes leurs ressources attentionnelles pour la compréhension plutôt que de les diviser avec la lecture qui est déjà ardue pour eux. Il ne faut donc pas hésiter à utiliser des outils qui pourront compenser leurs limites pour les aider à évoluer dans leurs apprentissages dans toutes les matières. Par exemple, l’utilisation d’un livre audio que l’enfant peut écouter lui permettra d’avoir un modèle pour quand prendre des pauses, de développer son schéma narratif et de mieux comprendre l’histoire.
De plus, les difficultés liées à la lecture s’expriment différemment chez chaque enfant, c’est pourquoi il faut bien cerner ses faiblesses et tester différentes stratégies qui seront plus ou moins efficaces pour lui. Heureusement, beaucoup d’outils technologiques ont été créés pour pallier les difficultés de lecture de ces enfants et leur permettre d’évoluer dans leurs apprentissages. À l’école, ces jeunes peuvent bénéficier de mesures d’adaptation individualisées selon leurs faiblesses qui pourront les aider à performer à leur juste valeur. De plus, la dyslexie n’est aucunement synonyme d’échec scolaire ou professionnel. On peut regarder tous les accomplissements de personnalités connues qui ont admis être dyslexiques pour comprendre que la dyslexie peut mener à de grandes choses :
- Albert Einstein
- Léonard de Vinci
- Beethoven
- Mozart
- Agatha Christie
- Tom Cruise
- Annie Brocoli
- Charles Tisseyre
- Réal Béland
- Et plusieurs autres ☺
Autre fait intéressant, plus de la moitié des employés de la NASA sont dyslexiques!
Comment la cibler?
Au préscolaire
- Incapacité à faires des rimes
- Difficulté à mémoriser des comptines, les chiffes, les lettres de l’alphabet
- Difficulté à trouver ses mots, peut compenser en décrivant ou en utilisant des termes plus généraux
- Difficulté à répéter de nouveaux termes ou des consignes plus longues
- Peine à différencier des sons proches (ex. p/b, g/c, f/v, ch/j).
- Difficulté à s’orienter dans le temps
Au primaire
- Lenteur du déchiffrage
- Saut de mots
- Confusion entre les lettres miroirs (b/d, p/q) et les sons proches
- Mauvaise compréhension du texte lu en raison d’un surplus d’attention dédié au décodage
- A de meilleures performances en mathématique qu’en français
- Devine les mots selon le contexte
- Inversion de lettres
- Grande fatigabilité et découragement lors des tâches de lecture
Comment apprivoiser ce monstre?
Recommandations pour vos interventions quotidiennes
Sphère familiale :
- Scrabble, Boggle, bonhomme pendu ou d’autres jeux qui pourront augmenter la conscience des lettres
- Cherche et trouve modifié : vous devez trouver des objets sur les images qui commencent par une certaine lettre de l’alphabet. Par exemple, trouver tous les objets qui commencent par « A », puis par « B », etc. Même chose dans une pièce de la maison ou en voiture, vous pouvez chercher des objets qui contiennent certains sons, comme « on » (ongle, montre, télévision, camion, avion, gazon, etc.) ou d’autres sons qui ont des homophones.
- Alternez en lisant une partie d’une histoire, puis en faisant lire votre enfant une autre partie. Encouragez-le à suivre les mots que vous lisez et qu’il lit en déplaçant son doigt le long des lignes.
- Demandez à votre enfant de s’enregistrer en train de lire une histoire, en faisant des « ding » au moment de tourner la page. Encouragez-le à réécouter sa propre histoire, il aura une meilleure conscience de ses erreurs tout en le motivant dans sa lecture.
- Optez pour des textes plus courts à lire au début pour que votre enfant ait une meilleure compréhension de l’histoire
Suggestions de jeux :
- Mots rapido : Ce jeu contient des cartes colorées de différentes catégories, comme des animaux ou des repas, avec au verso 3 choix de lettres. Le but du jeu est de dire un mot de la catégorie qui commence par la lettre qui est de la même couleur que la carte. Par exemple, pour une carte orange de la catégorie « animal », il faudrait nommer un animal qui commence par la lettre « m » de couleur orange : mouton.
- L’As de la lecture : Il aide au décodage des mots tout en exposant l’enfant aux différentes manières d’écrire un même son (homophones). L’enfant doit associer des cartes ensemble quand elles ont au moins un son qui est pareil.
- Chat-rat-bia!: Il permet d’enrichir le vocabulaire, favoriser l’accès aux mots et la vitesse d’exécution. À partir d’un indice d’une lettre, il faut trouver le mot qui est décrit par un dessin. Par exemple, pour une carte avec la lettre « c » où l’on voit un chat en train de tomber de sa barque, il faudrait dire « chaviré ».
Sphère scolaire :
- Avoir une version audio des livres à l’étude
- Avoir plus de temps que les autres élèves pour réaliser les examens
- Avoir des logiciels d’aide à la lecture, comme des outils qui mettent les syllabes des mots en couleurs
- Avoir accès à des aides à la rédaction : dictionnaire conçu précisément pour la dyslexie, logiciel de traitement de texte, prédicteur de mots ou encore outil de synthèse vocale pour transformer un message oral en message écrit
Pour mieux connaître un des logiciels qui serait adapté pour la dyslexie et/ou la dysorthographie de votre enfant, vous pouvez vous adresser à son orthopédagogue. En voici quelques-uns souvent utilisés :
- Lexibar : Logiciel d’aide à la lecture avec synthèse vocale et suivi du mot lu à l’écran et d’aide à l’écriture avec des prédictions de mots (voie phonologique atteinte)
- Word Cue : Logiciel d’aide à la rédaction de textes. Il propose des mots et peut lire à voix haute le texte écrit. Cependant, il ne permet pas de corriger les fautes d’orthographe et n’est pas un logiciel d’aide à la lecture (bien qu’une fonction « voix » permette à l’élève d’entendre son texte).
- Antidote : Il aide à corriger un texte. Par contre, les mots écrits par le jeune doivent avoir une orthographe assez semblable aux vrais termes, sinon le logiciel ne proposera pas de correction.
- Inspiration : Logiciel de cartes mentales. Il permet de résumer l’information d’un texte sous forme de schéma qui est beaucoup plus facile à comprendre et à mémoriser pour un enfant avec des difficultés d’apprentissage.
- Dragon naturally speaking : Logiciel de reconnaissance vocale. Il permet à l’enfant de s’enregistrer et d’écouter son propre audio et fait aussi la lecture de textes avec une voix neutre.